Dans un cabinet de courtage, les données ne sont ni accessoires ni interchangeables : elles concentrent la relation avec les assurés, l’historique des contrats et des avenants, les sinistres, les justificatifs, les preuves de conformité. Perdre cette matière ou la voir altérée dépasse le simple “incident informatique” : c’est la productivité qui cale, la qualité de service qui s’érode et, parfois, la conformité qui s’expose.
Or le contexte a changé. Les menaces se sont industrialisées, la chaîne d’outillage s’est complexifiée, les intégrations se multiplient et la surface d’attaque s’élargit. Dans ce paysage, les sauvegardes immuables ne sont pas un gadget technique mais un standard moderne : elles transforment la sauvegarde de promesse théorique en capacité réelle de continuité d’activité.
L’objectif de cet article est d’expliquer simplement ce que recouvre l’immutabilité, pourquoi elle s’impose aujourd’hui dans le courtage, et comment notre politique de rétention — pensée pour les besoins réels d’un cabinet — renforce durablement la protection des données face, notamment, au risque ransomware.
Sauvegarde immuable : comprendre l’essentiel sans jargon
Parler d’immutabilité, c’est parler d’un droit à la lecture sans droit à l’écriture. Concrètement, une sauvegarde immuable est une copie de vos données placée en mode WORM (Write Once, Read Many) : écrite une fois, elle n’est ensuite ni modifiable ni supprimable pendant une période de rétention définie. L’analogie qui convient le mieux est celle du coffre-fort numérique : on peut l’ouvrir pour consulter, comparer, restaurer ; on ne peut pas altérer ce qui s’y trouve tant que le verrou temporel est en place.
Cette propriété vise trois réalités du terrain : l’erreur humaine (une suppression intempestive, une manipulation trop large), la défaillance applicative (un flux ou une règle qui dérive) et l’acte malveillant (tentative de chiffrement ou d’effacement). À la différence d’une sauvegarde “classique”, que l’on peut par mégarde écraser ou qu’un intrus peut neutraliser, une sauvegarde immuable reste un point de vérité intègre sur lequel s’adosse la reprise.
Pour un cabinet, la nuance n’est pas cosmétique. Le jour où survient un incident, la question n’est pas “avons-nous des copies ?” — il y en a toujours — mais “peut-on s’y fier ?”. Si la copie a pu être modifiée, chiffrée ou effacée, elle cesse d’être une garantie ; si elle est immuable, elle demeure exploitable. C’est tout l’enjeu : disposer, à tout moment, de points de reprise dont l’intégrité n’est pas discutable, de sorte que la décision ne porte plus sur la fiabilité de la copie, mais sur la date la plus pertinente à choisir.
Sauvegardes immuables : une adoption encore partielle, décisive contre les ransomwares
Au fait des meilleures pratiques, MAIA Logiciels a adopté l’immutabilité pour les sauvegardes de ses clients depuis plusieurs mois.
Cette approche “état de l’art” ne prétend pas tout résoudre, elle complète la prévention, la détection et la gouvernance, mais elle garantit l’essentiel : des points de restauration intègres sur lesquels s’adosser, sans négocier avec l’aléa. Pour les intermédiaires d’assurance, déjà sensibilisés aux risques cyber et aux attentes RGPD/ACPR (intégrité, disponibilité, traçabilité), c’est un levier de résilience concret : immuable dans le principe, utile dans l’exécution. En l’adoptant dès maintenant, les cabinets prennent une longueur d’avance sur une pratique appelée à devenir la norme, tout en gardant un discours sobre : pas de sur-promesse, mais la garantie que, le jour où cela compte, la sauvegarde reste une sauvegarde.
Ransomwares : ce que change vraiment l’immutabilité dans un scénario d’attaque
Dans une attaque moderne, le temps joue contre l’entreprise. L’intrus cherche à rester discret pendant la phase de préparation, escalade ses privilèges, explore les systèmes, repère les procédures de sauvegarde, puis s’assure que, le jour J, aucune marche arrière ne sera possible. C’est là que la propriété “immuable” introduit une barrière nette : même si des comptes sont compromis, même si la production est chiffrée, les points de restauration ne peuvent pas être altérés pendant leur rétention. L’entreprise ne négocie pas sa survie sur une promesse : elle dispose de copie(s) immuable(s) pour reconstruire un environnement propre.
Ce changement de rapport de force a une portée très concrète. D’abord, il réduit la durée d’interruption : on sait rapidement à quoi s’adosser. Ensuite, il limite l’empreinte économique de l’attaque : l’activité redémarre plus vite, le backlog s’allège et la relation client souffre moins. Enfin, il structure la communication post-incident : l’entreprise n’est pas contrainte à l’opacité pour masquer une incapacité à restaurer ; elle peut se concentrer sur les enjeux de confidentialité (exfiltration potentielle), de notification et de prévention, sans être empêtrée dans des semaines de reconstruction artisanale. L’immutabilité ne remplace pas la prévention ni la détection, mais elle garantit la capacité à se remettre debout.
Notre politique de rétention immuable : 7 jours, 1 mois, 6 mois — utile, lisible, proportionnée
Nous avons fait le choix d’une politique de sauvegardes immuables quotidiennes organisée autour de trois horizons complémentaires : les sept derniers jours, le dernier mois et les six derniers mois. Ce n’est pas un gadget d’informaticien, c’est une manière de coller à la vie réelle d’un cabinet.
La fenêtre des sept derniers jours sert aux incidents de “première intention”, ceux que l’on détecte tôt : une suppression involontaire, une manipulation trop large, un import non conforme. Elle offre des points de reprise proches de l’instant présent ; on retrouve rapidement un état stable sans repartir dans des reconstructions laborieuses. Cette proximité est précieuse en production, là où l’on cherche d’abord à ne pas interrompre des dossiers en cours ni désorganiser des agendas déjà serrés.
Le palier du dernier mois répond aux erreurs à effet retard. Un connecteur qui dérive pendant deux semaines, une contamination progressive d’un référentiel tiers : l’enjeu n’est plus la vitesse pure mais la qualité du retour. On vise un état antérieur “net”, clairement identifié, qui permette de relancer l’activité sur des bases saines. Disposer de cette fenêtre évite les bricolages réparateurs — corrections au fil de l’eau, scripts opportunistes — toujours coûteux et souvent sources d’incohérences futures.
L’horizon des six derniers mois constitue un filet de sécurité élargi. On y recourt pour des investigations plus profondes, lorsque l’origine d’un défaut remonte loin et que l’analyse réclame de la distance, ou lorsqu’un audit impose des preuves de reconstitution. Cette fenêtre n’a pas vocation à se substituer à une politique d’archivage documentaire ; elle sert d’ancrage de restauration pour les cas rares mais structurants, sans faire exploser les volumes ni ajouter de complexité inutile.
Idées reçues : trois clarifications pour décider sereinement
La première confusion tient à l’équation “immuable = éternel”. C’est inexact. L’immutabilité s’applique pendant la période de rétention. Au-delà, les objets suivent la politique de conservation et d’effacement compatible avec les obligations légales et la minimisation des données. L’immutabilité garantit l’intégrité temporaire du point de restauration ; elle ne prétend pas à l’archivage ad vitam.
La seconde idée reçue consiste à croire que l’immutabilité dispense de vérifier la capacité de reprise. Là encore, c’est faux. L’immutabilité protège le contenu d’une sauvegarde contre l’altération, mais elle ne dit rien de la pertinence métier du point choisi ni de la préparation organisationnelle à basculer dessus. Nous tenons à une règle simple : tout ce qui n’a pas été testé ne fonctionne pas et effectuons plusieurs fois par an des tests de restauration de sauvegardes.
La troisième confusion postule qu’une seule copie “bien faite” suffirait. L’immutabilité est une propriété, pas une stratégie complète. C’est une combinaison de plusieurs techniques (diversification, isolement, cryptage, tracabilité…) qui crée la robustesse, pas l’exclusivité d’un seul mécanisme.
En résumé : immuable dans le principe, utile dans l’exécution
Les sauvegardes immuables font passer la protection des données d’un discours d’intention à une promesse tenue. Dans un environnement où les ransomwares s’attaquent aussi aux mécanismes de secours et où les erreurs latentes existent, elles apportent une réponse nette : des points de reprise intègres, disponibles au bon moment, sélectionnés dans des fenêtres lisibles (7 jours, 1 mois, 6 mois) et conçus pour soutenir la continuité d’activité sans dramatiser ni sur-promettre. L’immutabilité ne prétend pas tout résoudre ; elle sanctuarise ce qui doit l’être pour que la reprise reste possible et que la confiance, côté clients comme côté équipes, ne soit jamais négociée.
Pour une vision d’ensemble sur la sécurisation du stockage et les principes transverses que nous appliquons, vous pouvez consulter notre article “La sécurité des données de courtage : le stockage”, premier volet de cette série.

